15 avril 2022

Le Décret n° 2022-551 du 13 avril 2022 relatif aux services de médecine de prévention dans la fonction publique territoriale, qui vient réformer le fonctionnement des services de médecine préventive et le rôle du médecin de prévention dans la fonction publique territoriale, en modifiant le Décret n°85-603 du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale a été publié au JO du 15 avril.

La grande nouveauté concerne l’introduction du terme de « médecin du travail », venant remplacer celui de « médecin de prévention », dans un souci d’uniformisation des trois versants de la fonction publique et de rapprochement avec le régime applicable au secteur privé. Ce terme avait été introduit par l’Ordonnance santé dans le statut de la FPE puis étendu aux trois versants dans le cadre de la codification du CGFP (article L612-3).

Le décret prévoit désormais que « dans toutes les dispositions réglementaires applicables aux collectivités territoriales ou se rapportant à la fonction publique territoriale, les références au médecin de prévention des services de médecine préventive de la fonction publique territoriale sont remplacées par des références au médecin du travail. »

Voici une liste exhaustive des changements opérés par ce décret :

1) Dans l’organisation et le fonctionnement du service de médecine de prévention (qui conserve son nom) :

  • Introduction de la pluridisciplinarité dans la composition des services de médecine préventive et consécration du rôle de médecin du travail animateur et coordinateur de ce service.
  • Suppression de la possibilité de recourir à un service de médecine du travail interentreprises et avec lequel l’autorité territoriale passe une convention.
  • Suppression de la condition d’agrément spécifique au secteur public pour les services de médecine du travail associatifs auxquels les employeurs publics peuvent conventionner
  • Ouverture de la possibilité pour le service de médecine de prévention d’accueillir des internes en médecine du travail et de faire appel à d’autres professionnels de la santé au travail
  • Ouverture de la possibilité pour l’équipe pluridisciplinaire de recourir à des pratiques médicales à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. Préalablement au recours à ces pratiques, l’agent en est informé et son consentement est recueilli par écrit. Les conditions de mise en œuvre de ces pratiques assurent le respect de la confidentialité. C’est au médecin du travail d’évaluer, dans le cadre de sa mission d’animation et de coordination du service, l’opportunité de la téléconsultation en médecine du travail, notamment au regard du motif de la visite, des moyens du service et du poste d’affectation des agents.
  • La lettre de mission du médecin du travail ne doit plus forcément préciser le volume des vacations horaires de ce dernier mais seulement désormais le temps de travail en général, ce qui laisse plus de souplesse sur l’organisation de ce dernier.
  • Précision sur la structuration du service avec un protocole formalisé à adopter : « Le médecin du travail fixe les objectifs et modalités de fonctionnement du service de médecine préventive dans un protocole formalisé applicable :

1° Aux collaborateurs médecins ;
2° Aux infirmiers.

Les activités des autres membres de l’équipe pluridisciplinaire font également l’objet d’une formalisation écrite.
Pour les professions dont les conditions d’exercice relèvent du code de la santé publique, ces activités sont exercées dans la limite des compétences respectives des professionnels de santé déterminées par les dispositions de ce code. »

2) Dans la formation des professionnels de santé du service de médecine préventive :

  • Ajout de dispositions sur la formation du médecin du travail : « L’autorité territoriale organise l’accès des médecins du travail à la formation continue. Elle leur permet également de satisfaire à leur obligation de développement professionnel continu ».
  • Précision sur les conditions de recrutement des infirmiers de santé au travail au sein des services de médecine préventive : « L’infirmier recruté par l’autorité territoriale pour exercer ses fonctions dans un service de médecine préventive est titulaire d’un diplôme, certificat, titre ou autorisation mentionné aux articles L. 4311-3, L. 4311-4 et L. 4311-5 du code de la santé publique. Il doit par ailleurs avoir suivi ou suivre dans l’année de sa prise de fonctions une formation conforme au programme déterminé par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales. L’autorité territoriale organise son accès à la formation de perfectionnement. »

Toutefois, ces dispositions entrent en vigueur deux ans après la publication de l’arrêté déterminant le programme de formation, qui devra intervenir avant le 15/04/2023. En outre, ces obligations de formation ne s’appliqueront qu’aux infirmiers entrant en fonctions à compter de la date d’entrée en vigueur de ces dispositions.

3) Dans les missions du service de médecine préventive et dans les compétences du médecin du travail :

  • Le médecin du travail reste associé aux formations sur l’hygiène et la sécurité mais se voit déchargé de sa participation à la formation des secouristes.
  • Ajout dans les missions du service de médecine préventive de l’évaluation des risques professionnels. Le médecin du travail est chargé de signaler par écrit, à l’autorité territoriale, les risques pour la santé des agents qu’il constate et qui sont en rapport avec le milieu de travail.
  • Précision sur le fait que tous les membres de l’équipe pluridisciplinaire ont libre accès aux lieux et aux locaux de travail.
  • L’examen médical régulier des agents est remplacé par une visite d’information et de prévention, réalisée par le médecin du travail, un collaborateur médecin ou un infirmier dans le cadre d’un protocole formalisé, et qui a pour objet  :

1° D’interroger l’agent sur son état de santé ;

2° De l’informer sur les risques éventuels auxquels l’expose son poste de travail ;

3° De le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre ;

4° D’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ;

5° De l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service et sur la possibilité dont il dispose, à tout moment, de bénéficier d’une visite à sa demande avec le médecin du travail.

A l’issue de toute visite d’information et de prévention, si elle n’est pas réalisée par le médecin du travail, le professionnel de santé qui a effectué cette visite peut, s’il l’estime nécessaire, orienter sans délai l’agent vers le médecin du travail dans le respect du protocole précité. Il informe l’agent de la possibilité d’être reçu par un médecin du travail.

Les agents fournissent à leur administration la preuve qu’ils ont satisfait à cette obligation.

  • La surveillance médicale renforcée est étendue aux femmes venant d’accoucher ou allaitantes, de même que les aménagements temporaires de postes de travail ou de conditions d’exercice des fonctions qui peuvent être proposés par le médecin du travail.
  • Deux articles sont ajoutés pour prévoir qu’en-dehors du suivi médical régulier, l’agent ou la collectivité peut demander une visite. Si la demande vient de l’agent, l’autorité territoriale n’a pas à en connaître le motif. Si la demande vient de l’autorité territoriale, elle doit en informer l’agent.
  • Une liste des examens complémentaires pouvant être prescrits par le médecin du travail est déterminée. Ces examens doivent être nécessaires :

1° A la détermination de la compatibilité entre le poste de travail et l’état de santé de l’agent, notamment au dépistage des affections pouvant entraîner une contre-indication à ce poste de travail ;
2° Au dépistage d’une maladie professionnelle ou à caractère professionnel susceptible de résulter de l’activité professionnelle de l’agent ;
3° Au dépistage des maladies dangereuses pour l’entourage professionnel de l’agent.

Il est précisé que la prise en charge financière des frais occasionnés par ces examens incombe à l’employeur.

  • Le dossier médical en santé au travail n’est plus forcément constitué par le médecin du travail lui-même, mais il l’est sous sa responsabilité dans les conditions prévues à l’article L. 4624-8 du code du travail. La tenue de ce dossier garantit le respect des règles de confidentialité et du secret professionnel. Ajout de l’obligation de communiquer ce dossier médical au nouveau médecin du travail en cas de changement de service de médecine préventive, pour assurer la continuité de la prise en charge, sous réserve du recueil par écrit du consentement préalable de l’agent.

4) Dans les obligations des collectivités territoriales :

  • Obligation d’annexer au DUER la fiche d’évaluation des risques professionnels établie par le médecin du travail.
  • Obligation de transmettre au médecin du travail les fiches de données de sécurité délivrées par les fournisseurs de produits dangereux.
  • Obligation de motiver par écrit la décision de ne pas suivre un avis du médecin du travail sur les aménagements temporaires de postes de travail ou de conditions d’exercice des fonctions.

A noter que, malgré la nouvelle qualification de médecin du travail, les médecins des services de médecine préventive de la fonction publique ne peuvent toujours pas être chargés des visites d’aptitudes lors des recrutements, qui restent dans le champ de compétence des médecins agréés, l’article 11-2 du décret étant inchangé sur ce point.